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une opération de privatisation dans l'industrie navale de défense
Article
paru dans Informations ouvrières n° 464
Dominique
Canut
Le
ministre Bruno Le Maire a donc annoncé la nationalisation temporaire
des chantiers de Saint Nazaire, STX France. Attention, "on
n'est pas en 1981", prend-il soin de préciser au Journal
du dimanche (30 juillet). Et de s'adresser à l'italien
Fincantieri : "Regardons ce que nous pouvons faire dans
le secteur militaire, dans les navires de surface précisément, et
bâtissons un grand champion de l'industrie navale européenne."
Derrière
cette ouverture, Le Maire refait une offre déjà dans les tuyaux
depuis plusieurs années : celle de l'entrée de Fincantieri dans le
capital de Naval Group (appelé DCNS jusqu'en juin dernier,
constructeur français de navires militaires, détenu en majorité
par l'Etat français), qui serait alors concomitante à une
participation à 50-50 dans STX France. Dans ce meccano, une
"nationalisation temporaire" de STX France servirait donc
en réalité à une opération de privatisation de Naval Group...
L'accord
négocié par le précédent gouvernement prévoyait que le
constructeur naval italien Fincantieri, concurrent de STX et
également de Naval Group, aurait pris 48 % du capital de STX
France, l'Etat français une minorité de blocage de
33 % et Naval Group 12 %. Le solde de 7 % aurait été
détenu par Fondazione CR, un "investisseur" italien.
Du
coup, le montage donnait aux Italiens la majorité de STX France, au
carnet de commandes bien rempli !
Le
gouvernement français Macron - Philippe, pour des raisons politiques
très conjoncturelles, a ensuite proposé, agitant la menace
d'actionner son droit de préemption, un partage à 50-50 du capital.
Pour
convaincre les Italiens, Bruno Le Maire a donc promis que, s'ils
renonçaient à une position majoritaire dans STX France, la France
se montrerait ouverte à des "coopérations militaires",
c'est-à-dire à une entrée de Fincantieri dans le capital de Naval
Group (dont Thales possède déjà environ un tiers, l'Etat étant
aujourd'hui propriétaire du reste).
Les
chantiers navals Fincantieri prendraient alors possession de parts
non négligeables de l’Etat français dans leur concurrent direct,
Naval Group, leader français d'envergure mondiale dans la
construction navale de défense.
L’italien
sorti (un peu) par la porte rentrerait donc par la fenêtre. Ça
s’appelle des contreparties.
Lors
de son arrivée à Bercy, à l’automne 2014, Macron avait annoncé
la cession de 10 milliards d’euros d’actifs publics. Il avait
ensuite notamment privatisé les aéroports de Toulouse, Lyon et Nice
pour deux milliards et vendu les 13 % de l'État dans PSA.
Trois
ans plus tard, un autre programme de privatisation d'ampleur est à
l'ordre du jour, incluant entre autres Aéroports de Paris.
Le
10 mai dernier, BFM Business rappelait en outre que « Hervé
Guillou (P-DG de Naval Group) milite depuis un an
pour un rapprochement avec l’italien Fincantieri… Selon nos
informations, Emmanuel Macron était favorable à cette opération
qui pourrait permettre à l’État de descendre au capital,
peut-être sous le seuil majoritaire de 50 %. Bercy avait d’ailleurs
étudié cette option en fin d’année dernière. Le patron de DCNS
remettra le sujet sur la table dans les prochains mois (… )». Nous
y sommes.