dimanche 3 septembre 2017

Une "nationalisation provisoire" qui pourrait cacher...

.... une opération de privatisation dans l'industrie navale de défense

Article paru dans Informations ouvrières n° 464
Dominique Canut

Le ministre Bruno Le Maire a donc annoncé la nationalisation temporaire des chantiers de Saint Nazaire, STX France. Attention, "on n'est pas en 1981", prend-il soin de préciser au Journal du dimanche (30 juillet). Et de s'adresser à l'italien Fincantieri : "Regardons ce que nous pouvons faire dans le secteur militaire, dans les navires de surface précisément, et bâtissons un grand champion de l'industrie navale européenne."

Derrière cette ouverture, Le Maire refait une offre déjà dans les tuyaux depuis plusieurs années : celle de l'entrée de Fincantieri dans le capital de Naval Group (appelé DCNS jusqu'en juin dernier, constructeur français de navires militaires, détenu en majorité par l'Etat français), qui serait alors concomitante à une participation à 50-50 dans STX France. Dans ce meccano, une "nationalisation temporaire" de STX France servirait donc en réalité à une opération de privatisation de Naval Group...

L'accord négocié par le précédent gouvernement prévoyait que le constructeur naval italien Fincantieri, concurrent de STX et également de Naval Group, aurait pris 48 % du capital de STX France, l'Etat français une minorité de blocage de 33 % et Naval Group 12 %. Le solde de 7 % aurait été détenu par Fondazione CR, un "investisseur" italien.

Du coup, le montage donnait aux Italiens la majorité de STX France, au carnet de commandes bien rempli !

Le gouvernement français Macron - Philippe, pour des raisons politiques très conjoncturelles, a ensuite proposé, agitant la menace d'actionner son droit de préemption, un partage à 50-50 du capital.

Pour convaincre les Italiens, Bruno Le Maire a donc promis que, s'ils renonçaient à une position majoritaire dans STX France, la France se montrerait ouverte à des "coopérations militaires", c'est-à-dire à une entrée de Fincantieri dans le capital de Naval Group (dont Thales possède déjà environ un tiers, l'Etat étant aujourd'hui propriétaire du reste).

Les chantiers navals Fincantieri prendraient alors possession de parts non négligeables de l’Etat français dans leur concurrent direct, Naval Group, leader français d'envergure mondiale dans la construction navale de défense.

L’italien sorti (un peu) par la porte rentrerait donc par la fenêtre. Ça s’appelle des contreparties.

Lors de son arrivée à Bercy, à l’automne 2014, Macron avait annoncé la cession de 10 milliards d’euros d’actifs publics. Il avait ensuite notamment privatisé les aéroports de Toulouse, Lyon et Nice pour deux milliards et vendu les 13 % de l'État dans PSA.
Trois ans plus tard, un autre programme de privatisation d'ampleur est à l'ordre du jour, incluant entre autres Aéroports de Paris.
Le 10 mai dernier, BFM Business rappelait en outre que « Hervé Guillou (P-DG de Naval Group) milite depuis un an pour un rapprochement avec l’italien Fincantieri… Selon nos informations, Emmanuel Macron était favorable à cette opération qui pourrait permettre à l’État de descendre au capital, peut-être sous le seuil majoritaire de 50 %. Bercy avait d’ailleurs étudié cette option en fin d’année dernière. Le patron de DCNS remettra le sujet sur la table dans les prochains mois (… )». Nous y sommes.

Incendies, conséquence de la casse des services publics

Article paru dans Informations ouvrières n° 464
Gérard Luiggi, technicien dans l'ex-DDE du Var

Toutes les élites locales ou nationales qu’ont qu’un objectif : pourchasser l’affreux incendiaire, cause de tout ce désastre. Tous les moyens sont déployés pour le débusquer, et l’on s’apprête à brandir le tableau de chasse de quelques imprudents pauvres bougres, comme cet utilisateur de disqueuse jeté devant les tribunaux. Les services d’incendie ont publiés des études faisant état qu’environ « 70 % des incendies ont pour origine l’activité humaine (transports, travaux... ) ».

Or les ministres en déplacement dans le Var ont eu à entendre la réalité de la situation : un service de lutte contre l’incendie totalement en sous effectif, et avec des matériels hors d’âge. Le président national des sapeurs pompiers, venus saluer ses collègues du Var, a déclaré que le « le système est à flux tendu, compte tenu des contraintes budgétaires et de l’évolution sans cesse croissante des interventions ».

Or il faut le dire : la force d’une civilisation c’est précisément sa capacité à se doter d’instruments publics capables de faire vivre un peuple, incluant les « imprudents » et autres comportements individuels susceptibles de mettre en cause la vie commune.

En précisant que c’est le peuple, et en premier lieu ses organisations ouvrières, qui ont imposé au capital (qui exige qu’aucun obstacle ne vienne gêner ses activités visant à exploiter et soutirer le maximum de richesse), un ensemble de normes sociales, avec les services publics et leurs agents en charge de les faire appliquer. C’est pourquoi, ont été mis en place, et particulièrement au sortir de la guerre, dans le cadre de la « reconstruction », les services publics tels que les Directions Départementales de l'Equipement (DDE) et les Directions Départementales de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF), en charge de l’entretien et de l’aménagement du territoire afin d’organiser au mieux cette « activité humaine ».

Ainsi, les agents des routes de la DDE avaient notamment pour mission d’organiser le fauchage, l’élagage et le débroussaillement, de part et d’autres des routes, de tels travaux permettant de limiter considérablement les possibilités de départ de feu, par les mégots par exemple.

Les DDE étaient également en charge de l’établissement des Plans de Prévention des Risques Incendie de Forêt (PPRIF) qui délimitent les zones à risques et notamment l’obligation de débroussailler deux cents mètres autour des habitations.

Les DDAF avaient en charge la gestion et l’exploitation des massifs forestiers, incluant la police relative au débroussaillage.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Les DDE et DDAF ont d’abord été « fusionnées » en « DDEA », puis dans les « DDI » (Directions Départementales Interministérielles), cela au fil des gouvernements successifs, les mêmes taillant dans le même temps dans les effectifs par centaines d’emplois supprimés par an. Résultat ? Des PPRIF ont le plus grand mal à être réalisés (sur les trois incendies du Var, seul celui de Bormes-les-Mimosas était couvert par un PPRIF), mais ils sont aussi systématiquement attaqués au tribunal par les gros propriétaires forestiers privés avides de laisser place aux villas, comme celles du Cap Bénat. Et les agents des routes ont été transférés au conseils généraux qui n’ont pas les moyens de poursuivre le travail d’entretien.

Ajoutons à cela le fait que les missions d’urbanisme ont été transférées aux communes, missions qui avaient en charge la gestion des espaces, agricoles, forestiers et urbains, chacun d’eux relevant de normes spécifiques. Le désengagement de l’Etat sur ces missions a largement laissé la place aux pressions foncières conduisant à une imbrication de plus en plus grande entre ces espaces, et multipliant la présence humaine aux abords et même au sein des espaces forestiers.

Et Macron, Philippe, Darmanin, tous les tenants de la casse du Code du travail et de tous les droits et acquis collectifs, veulent poursuivre, amplifier, faire de ces droits une « terre brûlée » !

Les faits sont là : les criminels, les incendiaires, ce sont eux, ceux qui détruisent les services publics d’aménagement du territoire, comme ils détruisent les hôpitaux et ouvrent ainsi la porte à tous les risques sanitaires.


N’ont-ils pas raison ces milliers de militants, de tous horizons politiques et syndicaux, qui se sont engagés dans la construction des comités départementaux – et du Comité national – pour la défense des acquis de 1936 et 1945 ? N’ont-ils pas raison ainsi de permettre que se construisent, par le rassemblement de toute la puissance de la classe ouvrière et de ses organisations, les voies et les moyens de leur reconquête, avant que la barbarie capitaliste ne puisse laisser libre cours à sa furie destructrice ?

Incendies : une catastrophe qui aurait pu être évitée

Editorial d'Informations ouvrières n° 464
Franck Servel, membre du Bureau national

La semaine dernière, les incendies dans le sud-est de la France et la Corse ont frappé : plus de sept mille hectares de végétation ont brûlé. Les pompiers ont fait preuve d’un grand professionnalisme et d’un grand courage, mais n'ont pu empêcher le ravage des flammes.

Les traditionnelles félicitations ont vite fait place à une polémique qui a éclaté sur le manque de moyens pour combattre efficacement les incendies, notamment sur l'insuffisance d'avions bombardiers d'eau. Le Parisien (25 juillet) cite le Syndicat national du personnel navigant de l'aéronautique civile (SNPNAC) qui adresse un courrier au Directeur général de la Sécurité civile et tire la sonnette d'alarme : « Notre pays a subi de terribles incendies sur lesquels nous n'avons pas été capables de mettre en oeuvre la stratégie de lutte contre les feux de forêts dont vous êtes le garant (...). Cette incapacité est liée directement au manque d'avions bombardiers d'eau».

Quelle est la situation ? La Sécurité civile possède aujourd'hui théoriquement 23 avions pour lutter contre les incendies : 12 Canadair, 9 Tracker et 2 Dash. Mais le responsable du SNPNAC a dénoncé le manque d'appareils disponibles, des avions étant cloués au sol « soit par manque de pièces détachées, soit parce que la maintenance n'a pas été effectuée en temps et en heure ». Le ministre de l'Intérieur a tenté de calmer la polémique en annonçant la commande de six avions de type Dash-8, peine perdue ! Le site du journal Les Echos explique « En fait, l'annonce de Gérard Collomb n'en est pas vraiment une : les Dash-8 sont surtout destinés à remplacer les Tracker français, des appareils américains complètement au bout du rouleau (59 ans d'âge moyen !), qui servent avant tout à attaquer les feux naissants avec du retardant ».

Le préfet Jacques Witkowski a été obligé d'admettre que « c'est une flotte suremployée. Comme pour un véhicule qu'on utiliserait trop, forcément il y a des pannes ».

Les six cents délégués des comités de liaison et d'échanges rassemblés à Paris le 25 mars dernier affirmaient dans leur appel « La défense du caractère public de la SNCF, d'EDF, de La Poste, de l'Afpa et la formation professionnelle... c'est la défense du « choix » fait sous la pression de la classe ouvrière en 1936 et en 1945, pour soustraire au capital la construction d'entreprises nationalisées chargées de la satisfaction de besoins sociaux aussi fondamentaux que l'acheminement de l'électricité, du courrier et l'organisation d'un véritable système de transports publics. » La Sécurité civile, la protection de la population, et donc les moyens financiers pour le service public, c'est un choix de société face à l'austérité budgétaire de Macron et aux coupes contre l'ensemble de la fonction publique opérées par le ministre Darmanin.

Le 19 juillet, les fédérations CGT, FO et Solidaires de la fonction publique ont rappelé, dans un communiqué commun, leurs revendications et donnent rendez-vous à la rentrée « dans l'unité la plus large, pour mettre tout en œuvre pour faire échouer ces attaques sans précédent contre les fonctionnaires et la fonction publique. » Que ce soit pour la défense du Code du travail, contre les ordonnances Macron, ou pour préserver et renforcer les services publics, c'est bien cela qui est à l'ordre du jour.