Article paru dans Informations ouvrières
Le Conseil de la simplification prescrit le
transfert de la visite médicale d'embauche chez les généralistes
Au
printemps dernier, la
Direction générale du Travail a publié un rapport qui « suggère
des pistes d'évolution »,
sous forme interrogative. Mais comme on dit : « poser la question
c'est déjà y répondre ».
- Aptitude médicale ? Quel est son intérêt ? Quelles obligations à l'embauche des salariés compte tenu du marché l'emploi dans de lequel les contrats courts dominent très largement ?
- Quelle est la plus-value d'examens systématiques à l'embauche, quel que soit le poste ?
- Faut-il modifier le contenu de la surveillance médicale renforcée pour le travail de nuit ? Recours à l'entretien infirmier en alternance avec une visite médicale tous les 6 mois, voire aller jusqu'à un espacement des visites…
Le
patronat n'en demandait pas tant !
Le
23 octobre une structure
nationale regroupant quasiment l'ensemble SSTI des départements qui
porte le nom de CISME, association dirigée par le patronat,
s’engouffre dans la brèche en publiant un « appel »
pour « traiter les
difficultés des entreprises à mettre en œuvre un suivi individuel
de l'état de santé des salariés… »
et « milite pour une
modification des textes ».
C'est
appel enfonce le clou : «
le mouvement de simplification pour les entreprises initiées dans
notre pays constitue une opportunité pour faire évoluer le code du
travail dans ce domaine ».
Ce
texte propose ni plus ni moins que l'abandon
du suivi médical systématique et la remise en cause du systématisme
de la vie d'aptitude.
Le
30 octobre, sont proposés
par le conseil de simplification 50 mesures dont :
- Le transfert de la visite d'embauche chez les généralistes.
- La fin de la visite périodique obligatoire.
- La suppression de la possibilité par le médecin du travail de demander l'aménagement d'un poste de travail pour un salarié ayant des problèmes de santé.
Au
détour du vote de la dernière loi sur les retraites, le
gouvernement Fillon-Sarkozy avait fait également voter une loi
concernant la médecine du travail et les Services de Santé au
Travail. Le train de mesures était décliné en décrets,
circulaires, etc. entre 2011 et 2012. L’arrivée au pouvoir de
Hollande - Ayrault,
malgré les sollicitations de syndicats professionnels de médecins
du travail, n’aura absolument rien changé au contenu de cette
contre-réforme.
Engagement avait seulement été pris de laisser
l’expérimentation se faire durant une année et de revoir la copie
en fonction des évolutions.
Déjà
cette contre-réforme prévoyait de repousser les visites
systématiques à 4 ans, de remplacer les médecins du travail entre
chaque visite par des infirmiers qui réaliseront des entretiens, de
repousser la visite de reprise pour accident de travail de 15 jours à
30 jours d’arrêt de travail et celle pour maladie de 21 à
également 30 jours.
Dans le Var, la DIRECCTE vient d’accorder à
l’Association Interprofessionnelle de Santé au Travail (AIST 83) de réaliser les visites périodiques à 4 ans au lieu de
2 ans pour bon nombre de salariés bénéficiant d’une Surveillance
Médicale Renforcée (SMR) du fait de la nature de leurs expositions,
subies au travail, susceptibles de porter atteinte à leur santé.
Les Intervenants en Prévention des Risques Professionnels perdent
leur statut, dont le métier faisait l’objet d’une habilitation
octroyée par la CRAM (CARSAT). C’est maintenant terminé, chaque
employeur peut désigner dans son entreprise qui bon lui semble faire
l’affaire. Il en est donc fini de leur indépendance.
Concernant
la dite gouvernance des SSTI (Services Interprofessionnels), il avait
été introduit le paritarisme au Conseil d’Administration, c’est
à dire 50% patrons, 50% représentants des salariés, la présidence
revenant … au patronat, laissant aux organisations syndicales la
présidence de la commission de contrôle, autant dire un strapontin (...) Rappelons
la double peine dont sont déjà victimes les ouvriers,
en effet un homme cadre supérieur de 35 ans peut espérer vivre
encore 47 ans dont 34 indemne de toute incapacité, alors qu’un
ouvrier, 41 ans (6 ans de moins d’espérance de vie) dont 24 ans
sans incapacité (10 ans de moins).
De
surcroît, en dix ans, le nombre de maladies professionnelles a plus que
doublé (source CNAMTS, Direction des risques professionnels).
Mais
ça ne suffit pas ! Le patronat, porté par le gouvernement, veut
casser cet acquis social fondamental qui a été construit au fil des
années de luttes, comme tous les autres. Les 40 milliards d’€ de
cadeaux aux patrons du pacte de responsabilité ne suffisent pas !
Et c’est donc au détour de mesures du choc de simplification que
le gouvernement en
profite pour détruire encore d’avantage la prévention de la santé
des travailleurs. Il est encore tôt pour connaître
la réaction des organisations syndicales confédérées, mais d'ores
et déjà, la CGC s’est déclarée "totalement opposée" à
cette mesure et FO juge qu’un éventuel transfert vers le médecin
traitant est "inadmissible". On attend les prises de
position du syndicat de médecins du travail ainsi que de la CGT et
de la CFDT pour que la résistance s’organise au plus vite pour la
mise en échec de la politique anti-ouvrière de ce gouvernement.
Dominique CANUT