jeudi 27 novembre 2014

Médecine du travail

Un coup porté à la santé des travailleurs
Article paru dans Informations ouvrières

Le Conseil de la simplification prescrit le transfert de la visite médicale d'embauche chez les généralistes

Au printemps dernier, la Direction générale du Travail a publié un rapport qui « suggère des pistes d'évolution », sous forme interrogative. Mais comme on dit : « poser la question c'est déjà y répondre ».
  • Aptitude médicale ? Quel est son intérêt ? Quelles obligations à l'embauche des salariés compte tenu du marché l'emploi dans de lequel les contrats courts dominent très largement ?
  • Quelle est la plus-value d'examens systématiques à l'embauche, quel que soit le poste ?
  • Faut-il modifier le contenu de la surveillance médicale renforcée pour le travail de nuit ? Recours à l'entretien infirmier en alternance avec une visite médicale tous les 6 mois, voire aller jusqu'à un espacement des visites… 
Le patronat n'en demandait pas tant !

Le 23 octobre une structure nationale regroupant quasiment l'ensemble SSTI des départements qui porte le nom de CISME, association dirigée par le patronat, s’engouffre dans la brèche en publiant un « appel » pour « traiter les difficultés des entreprises à mettre en œuvre un suivi individuel de l'état de santé des salariés… » et « milite pour une modification des textes ».
C'est appel enfonce le clou : « le mouvement de simplification pour les entreprises initiées dans notre pays constitue une opportunité pour faire évoluer le code du travail dans ce domaine ».
Ce texte propose ni plus ni moins que l'abandon du suivi médical systématique et la remise en cause du systématisme de la vie d'aptitude.

Le 30 octobre, sont proposés par le conseil de simplification 50 mesures dont :
  • Le transfert de la visite d'embauche chez les généralistes.
  • La fin de la visite périodique obligatoire.
  • La suppression de la possibilité par le médecin du travail de demander l'aménagement d'un poste de travail pour un salarié ayant des problèmes de santé.
Au détour du vote de la dernière loi sur les retraites, le gouvernement Fillon-Sarkozy avait fait également voter une loi concernant la médecine du travail et les Services de Santé au Travail. Le train de mesures était décliné en décrets, circulaires, etc. entre 2011 et 2012. L’arrivée au pouvoir de Hollande - Ayrault, malgré les sollicitations de syndicats professionnels de médecins du travail, n’aura absolument rien changé au contenu de cette contre-réforme.

Engagement avait seulement été pris de laisser l’expérimentation se faire durant une année et de revoir la copie en fonction des évolutions.

Déjà cette contre-réforme prévoyait de repousser les visites systématiques à 4 ans, de remplacer les médecins du travail entre chaque visite par des infirmiers qui réaliseront des entretiens, de repousser la visite de reprise pour accident de travail de 15 jours à 30 jours d’arrêt de travail et celle pour maladie de 21 à également 30 jours.

Dans le Var, la DIRECCTE vient d’accorder à l’Association Interprofessionnelle de Santé au Travail (AIST 83) de réaliser les visites périodiques à 4 ans au lieu de 2 ans pour bon nombre de salariés bénéficiant d’une Surveillance Médicale Renforcée (SMR) du fait de la nature de leurs expositions, subies au travail, susceptibles de porter atteinte à leur santé. Les Intervenants en Prévention des Risques Professionnels perdent leur statut, dont le métier faisait l’objet d’une habilitation octroyée par la CRAM (CARSAT). C’est maintenant terminé, chaque employeur peut désigner dans son entreprise qui bon lui semble faire l’affaire. Il en est donc fini de leur indépendance.

Concernant la dite gouvernance des SSTI (Services Interprofessionnels), il avait été introduit le paritarisme au Conseil d’Administration, c’est à dire 50% patrons, 50% représentants des salariés, la présidence revenant … au patronat, laissant aux organisations syndicales la présidence de la commission de contrôle, autant dire un strapontin (...) Rappelons la double peine dont sont déjà victimes les ouvriers, en effet un homme cadre supérieur de 35 ans peut espérer vivre encore 47 ans dont 34 indemne de toute incapacité, alors qu’un ouvrier, 41 ans (6 ans de moins d’espérance de vie) dont 24 ans sans incapacité (10 ans de moins).

De surcroît, en dix ans, le nombre de maladies professionnelles a plus que doublé (source CNAMTS, Direction des risques professionnels).

Mais ça ne suffit pas ! Le patronat, porté par le gouvernement, veut casser cet acquis social fondamental qui a été construit au fil des années de luttes, comme tous les autres. Les 40 milliards d’€ de cadeaux aux patrons du pacte de responsabilité ne suffisent pas ! Et c’est donc au détour de mesures du choc de simplification que le gouvernement en profite pour détruire encore d’avantage la prévention de la santé des travailleursIl est encore tôt pour connaître la réaction des organisations syndicales confédérées, mais d'ores et déjà, la CGC s’est déclarée "totalement opposée" à cette mesure et FO juge qu’un éventuel transfert vers le médecin traitant est "inadmissible". On attend les prises de position du syndicat de médecins du travail ainsi que de la CGT et de la CFDT pour que la résistance s’organise au plus vite pour la mise en échec de la politique anti-ouvrière de ce gouvernement.

Dominique CANUT